Après des journées marquées par des manifestations dans toute la France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’inquiète de certains agissements des forces de l’ordre observés en particulier depuis jeudi 16 mars.

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Mis à jour le 24 mars 2023

Après des journées marquées par des manifestations dans toute la France, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’inquiète de certains agissements des forces de l’ordre observés en particulier depuis jeudi 16 mars. En qualité d’Institution nationale des droits de l’homme, et conformément à son indépendance et sa mission, elle en a informé les mécanismes de surveillance des Nations Unies et du Conseil de l’Europe.

 

Sans porter d’avis sur le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement, la CNCDH constate que, depuis le mois de janvier, ce projet suscite une très forte mobilisation sociale. Le choix de recourir à l’article 49 al. 3 de la Constitution pour clore l’examen du texte à l’Assemblée nationale, annoncé jeudi 16 mars, a déclenché des manifestations spontanées et d’ampleur un peu partout en France.

Si la CNCDH a pu relever des évolutions positives dans la gestion du maintien de l’ordre lors des manifestations organisées depuis janvier par l’Intersyndicale, elle est toutefois très préoccupée par certains agissements des forces de l’ordre observés depuis jeudi dernier.

« En janvier 2020, la CNCDH avait déjà alerté sur les violences policières illégitimes, dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes. Je déplore vivement, que trois ans plus tard, la CNCDH doive faire ce même constat d’agissements abusifs et préoccupants des forces de l’ordre. »

Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH

  • De nombreux manifestants sont interpellés et placés en garde à vue, de manière sommaire et arbitraire. À Paris, par exemple, pour la seule soirée du jeudi 16 mars, parmi les 292 personnes qui ont fait l’objet d’un tel placement, alors qu’elles avaient rejoint la place de la Concorde pour exprimer leur mécontentement à l’égard de l’utilisation du « 49-3 », neuf seulement ont fait l’objet de poursuites. Il peut s’induire de ces chiffres un usage abusif de la garde à vue afin d’empêcher la participation à une manifestation.

    En tout état de cause, la Commission tient à rappeler que la simple participation à une manifestation non déclarée n’est en rien incriminée (Crim., 14 juin 2022, pourvoi n°21-81.072).
  • Des syndicats de journalistes ont dénoncé le placement en garde à vue de deux journalistes, le 17 mars, interpellés lors de manifestations. Comme l’a rappelé le Conseil d’État dans sa décision du 10 juin 2020, les journalistes, tout comme les observateurs indépendants, « n’ont pas à quitter les lieux lorsqu’un attroupement est dispersé » et n’ont pas « l’obligation d’obéir aux ordres de dispersion » des forces de l’ordre.
  • Les forces de l’ordre ont pratiqué des « nasses », en violation des exigences requises par le schéma national du maintien de l’ordre. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà eu l’occasion de préciser que ces types de mesures ne sont admises qu’à condition d’être « nécessaires pour prévenir un risque réel d’atteintes graves aux personnes ou aux biens et qu’elles soient limitées au minimum requis à cette fin ».

La CNCDH tient à rappeler que l’usage de la force par les policiers s’inscrit dans un cadre légal très précis : il doit être nécessaire au maintien de l’ordre et strictement proportionné. Cette exigence de proportionnalité vaut de manière générale pour toute intervention policière, y compris pour les opérations de maintien de l’ordre public lors des manifestations et dans le respect des libertés d’expression et de réunion. Comme le rappelle le Conseil constitutionnel, « La liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés » (Décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, § 8).

La multiplication des violences policières captées par des téléphones portables et diffusées sur les réseaux sociaux démultiplie leur impact sur la population et jette le discrédit sur l’ensemble des forces de l’ordre soumis à un devoir d’exemplarité. Comme la CNCDH l’a détaillé dans un avis consacré aux relations police-population en 2020, ces dérives dans l’usage de la force par les forces de l’ordre fragilisent la confiance de la population dans les institutions publiques.

Une répression policière accrue ne peut pas être la réponse appropriée aux problèmes politiques et sociaux auxquels le gouvernement doit faire face actuellement.

« Les autorités publiques doivent rappeler fermement aux agents des forces de l’ordre le cadre légal de leurs interventions, au service de la garantie des libertés fondamentales. L’autorité judiciaire doit également pleinement jouer son rôle de gardien de la liberté individuelle. »

Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH

Alors que les alertes se multiplient, émanant d’institutions et d’associations nationales mais aussi d’observateurs internationaux, et à la veille de l’examen de la France par les États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, dans le cadre du 4e cycle de l’Examen périodique universel, il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale.

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