Réunie en Assemblée plénière le 18 mai 2017, la CNCDH a adopté trois avis : un premier sur « Mettre fin au délit de solidarité », un deuxième sur la question pénitentiaire dans les Outre-mer et un troisième sur la prévention de la radicalisation.
Réunis en Assemblée plénière le 18 mai 2017, les membres de la CNCDH ont débattu et adopté trois avis : un premier sur « Mettre fin au délit de solidarité », un second sur la question pénitentiaire dans les Outre-mer et un troisième sur la prévention de la radicalisation. Ces textes ont été publiés au JORF n°0138, à retrouver ici.
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Avis « Mettre fin au délit de solidarité »
La CNCDH demande l'abrogation définitive du délit de solidarité, maintenu dans la loi, malgré les modifications apportée en 2012.
Depuis de nombreuses semaines, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est alertée de toutes parts sur le fait que les personnes qui viennent en aide aux personnes migrantes, aux demandeurs d’asile, aux Roms, aux sans-papiers, sont de plus en plus victimes de poursuites, d’actes d’intimidation ou de dissuasion. Elle réaffirme avec force que l’engagement envers les migrants est légitime au regard de la protection des droits fondamentaux.
La CNCDH recommande
La CNCDH appelle le Gouvernement et le législateur à modifier la rédaction de l’article L.622-1 du CESEDA afin que le droit national soit désormais conforme au droit européen. Dans ce nouvel article, seule l’aide à l’entrée, à la circulation, ou au séjour irréguliers apportée dans un but lucratif doit être sanctionnée.
La CNCDH appelle également les autorités publiques à cesser de recourir à des délits annexes sans rapport avec les infractions de l’article L.622-1 du CESEDA, ou à l’immigration (délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou de violences à agent de la force publique ; délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », réglementation sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux ; etc.) pour intimider et parfois poursuivre les aidants solidaires. Il doit être mis un terme à l’emploi de tels procédés.
La CNCDH recommande enfin que les pouvoirs publics concentrent leurs moyens et leurs actions au renforcement de leur capacité d’accueil et d’accompagnement des personnes migrantes, afin de garantir l’effectivité leurs droits fondamentaux.
Avis sur la question pénitentiaire dans les Outre-mer
Au lendemain de la démission du directeur de l’administration pénitentiaire, et alors que parlementaires, associations et médias dénoncent régulièrement les conditions de vie déplorables des détenus dans les prisons de la métropole, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) alerte sur la situation souvent méconnue, et plus déplorable encore dans les prisons des territoires d’Outre-mer.
La CNCDH recommande
La CNCDH salue la progression des recours compensatoires exercés en métropole comme dans les Outre-mer, lorsque les conditions de détention sont inhumaines ou dégradantes, mais relève la faiblesse des dispositions préventives de la surpopulation pénale et des violences au sein des établissements pénitentiaires.
La CNCDH recommande à nouveau, d’une part, un recours moindre à la détention provisoire et, d’autre part, la suppression des courtes peines d’emprisonnement, comme elle le faisait déjà dans deux, avis respectivement du 21 février 2013 et du 27 mars 2014 , sans distinction entre la métropole et l’Outre-mer. La CNCDH demandait qu’une réflexion nationale soit lancée pour supprimer totalement le prononcé de peines inférieures à six mois d’emprisonnement sur le modèle allemand. La nocivité des courtes peines d’emprisonnement n’est plus à démontrer ainsi que son impact sur la surpopulation pénale .
La CNCDH recommande un renforcement conséquent du nombre de juges de l’application des peines et des moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) pour les établissements pénitentiaires ultra-marins, indispensable pour développer les aménagements de peine. Il est indispensable aussi de soutenir les rares structures d’accueil existantes hors les murs de la prison et d’en susciter la création dans tous les Outre-mer. Sans le renforcement de l’ensemble du dispositif, le nombre de prévenus ne pourra diminuer pas plus que les aménagements de peine ne pourront se développer. Concernant les prévenus, tout doit être fait pour permettre des placements sous contrôle judiciaire.
En outre, la CNCDH recommande, non pas l’instauration d’un numerus clausus brutal pour chaque établissement pénitentiaire, mais celle d’un dispositif de régulation de la population pénale qui ne permette l’accueil d’un nouveau détenu, alors que la capacité de l’établissement est atteinte, qu’à la condition qu’un autre détenu, à quelques jours ou quelques mois de la date officielle de sa sortie, soit libéré. La proposition de réguler les flux d’incarcération, d’orientation et d’affectation fait largement consensus sans pour autant que la décision de la mettre en œuvre soit prise et traduite dans les textes.
La CNCDH recommande que le droit régissant le contrat de travail s’applique dans les établissements pénitentiaires, l’acte d’engagement devenant un contrat de travail doté de ses attributs essentiels. Comme le précise le CGLPL dans son avis du 22 décembre 2016 : « si l’encadrement d’une relation de travail par un contrat n’est pas une exigence constitutionnelle, les droits sociaux fondamentaux proclamés par la Constitution ne sauraient être garantis sans l’existence d’un contrat individuel encadrant tout travail pénitentiaire ».
La CNCDH recommande la création d’une agence nationale en charge de l’emploi pénitentiaire ayant pour double fonction d’assurer la recherche de donneurs d’ordre et de jouer le rôle d’employeur. Cette agence se verrait confier également une mission d’appui aux régions devenues compétentes en matière de formation professionnelle.
La CNCDH recommande que l’emploi des personnes détenues et la formation professionnelle, atouts essentiels pour la réinsertion, deviennent une priorité nationale avec allocations des budgets correspondants et développement des contrats aidés.
La CNCDH recommande que les régions, en métropole comme dans les Outre-mer assument leurs compétences nouvelles afin d’adapter la formation professionnelle des détenus à chaque situation locale et, par ricochet, de développer le travail en concession.
La CNCDH recommande de favoriser dans les Outre-mer la création de structures associatives supports, partenaires de l’administration pénitentiaire, pour soutenir une politique en panne concernant le suivi des aménagements de peine, le travail et la formation professionnelle.
La CNCDH, déplorant que la loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle des Outre-mer ne prévoie pas de plan de convergence par collectivité sur la question pénitentiaire dans les territoires ultra marins, recommande l’adoption d’une loi spécifique sur la question pénitentiaire dans les Outre-mer.
Avis sur la prévention de la radicalisation
L’échec du « centre de réinsertion et de citoyenneté », fermé en février 2017, a montré les limites de la politique de prévention de la radicalisation, soulignées par la mission d’information du Sénat sur le désendoctrinement et la réinsertion des djihadistes. La Commission nationale consultative des droits de l’homme émet à son tour de vives critiques concernant les dispositifs de détection et de prise en charge des personnes dites « radicalisées ».